Du temps a passé, où il est bien difficile d’imprimer notre rythme, la fragilité domine, encore, nous sommes des funambules, avec la dépendance en partage qui pour mon compagnon a des allures de double peine – la dépendance ne suffit-elle donc pas ?
Nous ne devons qu’à nous-mêmes, je le répète, qu’un 24/24 soit effectif, cahin-caha, sans cesse remis en question au fil des obstacles de toutes sortes : arrêts, découragements de l’une ou de l’autre, hostilité ahurissante à mon égard, mauvaise volonté d’associations, plannings soumis à des changements incessants, quand ce n’est pas purement et simplement ignorance de nos questions, courriers, de la part des associations pourtant mandatées par le médecin coordinateur de la MDPH, bénéficiant de ce fameux agrément qualité ouvrant droit à des interventions auprès de personnes handicapées, des associations dont nous attendions ce minimum de soutien et de compréhension qui n’est jamais venu. Et puis incompréhension, épuisement, ravages de ce temps après lequel on court, toujours, toujours…
Un gros problème que nous rencontrons avec le personnel envoyé par les associations, c’est celui des limites incessantes qui sont posées, notamment en ce qui concerne la délégation de gestes pourtant simples, qui selon nous ne relèvent en rien du soin – par exemple le branchement d’une poche d’alimentation, le simple fait de passer de l’eau par une seringue dans une sonde, de donner un somnifère au coucher…
Le point positif, et je ne saurais que trop le conseiller à ceux qui vivent les mêmes difficultés que les nôtres, est de nous être résolu à employer des aides en gré-à-gré. Leur disponibilité, leur fidélité nous sont précieuses.
Grâce au soutien d’amis qui comprennent la difficulté de notre quotidien, nous avons pu bénéficier d’une réunion de synthèse à notre domicile, pour faire le point sur la prise en charge (non, les termes de prise en compte ou d’accompagnement ne sont pas encore passés dans le langage « courant »), réunion à laquelle la représentante d’une des 2 associations (AMAD de Givors, 69) n’a même pas pris la peine de se déplacer.
Cette réunion s’est faite en présence d’un responsable de secteur de la MDPH du Rhône, M. Thierry Toquet (MDPH Canton de Condrieu), elle s’est conclue par un aveu d’impuissance… Oui, un aveu d’impuissance, parce que la MDPH et par suite, le département du Rhône, département pourtant si engagé dans l’accompagnement des personnes handicapées dans leur choix de vie autonome (voir lien ci-dessous), ne sait tout simplement pas quoi faire, n’a pas su se donner les moyens, ou n’en dispose pas, à l’heure actuelle, alors nous nous sommes retrouvés devant un représentant totalement désemparé et désolé. Désolation.
A l’issue de cette réunion, nous avons appris que le médecin coordinateur avait été « démissionné », et nous avons obtenu un lot de consolation : l’accord de la commission pour des demandes d’aides techniques (fauteuil de douche et rail de transfert) formulées depuis plus d’un an à une responsable de la MDPH qui ne travaille que 2 demi-journées par semaine.
L’HAD a cessé sa prise en charge, au motif que Bertrand n’est pas « suffisamment malade », trop vivant ?
J’ai pu trouver un travail à mi-temps, nous avons pu trouver un peu de ce temps qui nous manque si cruellement pour inventer et harmoniser notre rythme commun, funambules, nous sommes aussi des jongleurs qui tentons de nous frayer un chemin privée dans un quotidien dominé par la subjectivité et les jugements des uns et des autres.
Nous avons parfois le sentiment d’être totalement infantilisés, considérés comme deux êtres irresponsables.
Le temps retrouvé, c’est désormais aussi du temps pour continuer à se battre, sensibiliser, construire.
- Il serait temps de faire vivre cette loi ambitieuse du 11 février 2005 (pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées), cette loi qui a suscité tant d’espérances transformées aujourd’hui en autant de désillusions.
- Il serait temps, aussi, qu’à une époque où l’on encourage tant les « services à la personne », un agrément qualité réellement adapté à la prise en charge des personnes lourdement dépendantes soit créé pour les structures (associations ou entrerises) qui prétendent être en capacité de fournir du personnel à ces personnes. Ou alors, que ces structures fassent l’objet d’une certification puis d’évaluations régulières de leurs pratiques.
- Il serait temps, aussi, que soient formulées des conventions collectives adaptées pour l’emploi de personnes en gré-à-gré. La Convention Collective des Salariés du Particulier est totalement inadaptée pour l’emploi proposé dans le cadre d’une prise en charge à domicile.
- Il serait temps qu’une réelle sensibilisation à la vie privée d’une personne handicapée soit menée, que celle personne soit en institution ou ait fait le choix de demeurer à son domicile.
- Il serait temps que que la vulnérabilité liée à la dépendance ne soit pas synonyme d’infantilisation, de pitié, et puis que soit reconnu à la personne handicapée ce droit fondamental d’aimer et d’être aimé, et puis que cesse l’obscurantisme et l’occultation en matière de handicap, tant de notions qui devraient être évidentes, qui ne sont en rien une révolution de la pensée, juste une acceptation d’une société plurielle et de notre vulnérabilité d’être humain.
Pour nous qui avons souhaité Aspir’, il semble évident que seule une démarche collective fédérant les différentes initiatives allant dans le sens d’une prise en compte du handicap dans notre société, seule une telle démarche permettra de porter, à tous les niveaux, cette volonté de reconnaissance pour laquelle nous nous battons.
Un groupe Aspir’ a été créé sur Facebook, passagers de ce blog, vous pouvez en devenir membre (lien ci-dessous).
Nous souhaitons mettre à profit ce temps retrouvé pour structurer notre modeste association, afin de permettre à ceux qui le souhaitent d’y adhérer, et surtout de trouver soutiens et subventions qui nous permettront de faire entendre et mettre en œuvre nos… aspirations.
A bientôt,
Christine OZUN
Membre fondateur d’Aspir’
Liens
L’ambitieux schéma départemental en faveur des personnes âgées et handicapées (Rhône)
http://schemas.erasme.org
Lien vers le groupe Aspir’ sur Facebook
http://fr-fr.facebook.com/group.php?gid=150628194975280
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